Du 1er janvier 2022 au 30 juin 2022, la France a présidé le Conseil de l’Union européenne. Cette institution rassemble les ministres des différents pays de l’Union européenne et se réunit en fonction des thématiques abordées (agriculture, transport, défense…). Cette institution est colégislateur, c’est-à-dire qu’elle a un rôle très important puisqu’elle vote les lois ou plus exactement des directives et règlements, avec le Parlement européen ; des lois qui auront un impact sur les 447 millions de citoyens européens.
En quoi consistait exactement cette Présidence française du Conseil de l’UE ?
Présider le Conseil de l’UE, c’est avant tout présider des Conseils de ministres au niveau européen. Les ministres français, ont donc dû préparer les réunions en amont, ils ont également présidé les séances et représenté l’ensemble des ministres européens auprès de la Commission européenne, du Parlement européen et d’autres institutions internationales. Cette présidence permet ainsi de déterminer en partie l’agenda européen et les sujets en discussion, et en cela elle représente donc un pouvoir important. Enfin, elle permet aussi de faire parler des sujets européens dans les médias nationaux.
Quel a donc été le rôle d’Emmanuel Macron durant cette Présidence française du Conseil de l’UE ?
Le rôle d’Emmanuel Macron et des ministres dans le cadre de cette Présidence Française du Conseil de l’UE, a été celui de « broker », c’est à dire qu’ils ont tenté de trouver la voie des compromis pour faire avancer les négociations européennes sur les chantiers législatifs en cours et ainsi parvenir à trouver des accords.
Quelles étaient les priorités de la France pour cette Présidence du Conseil de l’UE ?
Emmanuel Macron avait intitulé sa présidence «Relance, puissance, appartenance ». Les ambitions étaient nombreuses et couvraient de nombreux sujets : il était d’abord question « une Europe souveraine » avec notamment une réforme de l’Espace Schengen et une boussole stratégique de défense ; « un nouveau modèle européen de croissance » avec de nouvelles ambitions écologiques et sociales et enfin, « une Europe à taille humaine » avec le respect de l’état de droit et des valeurs de l’UE.
Ces objectifs étaient ils atteignables ?
Eh bien, beaucoup de médias et d’analystes se montraient plutôt critiques quant à la possibilité de faire avancer l’UE sur tous ces sujets en un laps de temps si court, soit 6 mois de Présidence. Quand on sait qu’au niveau européen, certaines négociations mettent des années à aboutir, c’était plus ambitieux !
Comment qualifier cette Présidence française du Conseil de l’UE ?
On peut la qualifier comme une « une Présidence de crise ». Cette Présidence était tout sauf un long fleuve tranquille, l’invasion de l’Ukraine par la Russie qui a démarré le 24 février 2022 a rebattu les cartes… et les sujets, notamment liés à la défense et à l’aide militaire et financière à l’Ukraine et à sa population ainsi que les questions de la dépendance énergétique de l’UE ont concentré l’essentiel des travaux de cette Présidence. Un autre fait marquant, c’est bien entendu les élections présidentielles et la réélection d’Emmanuel Macron qui sont intervenues à mi-parcours de cette Présidence française du Conseil de l’UE.
Quelles ont été les principales actions de cette Présidence ?
La Présidence Française du Conseil de l’UE, aux côtés de la Commission européenne et du Parlement européen s’est très vite mobilisée pour apporter une réponse rapide, unie et forte à l’agression russe. On peut citer en exemple les sanctions prises à l’encontre de la Russie et l’appui militaire inédit de l’UE à l’Ukraine. On peut aussi dire que l’UE a fait un pas de géant sur l’accélération de la réduction des dépendances européennes notamment en matière d’énergie avec le plan « RepowerEU ». On notera aussi l’effort de rattrapage entrepris pour des investissements communs en matière de défense. Globalement, on peut dire que le pari du renforcement de la souveraineté européenne souhaitée par Emmanuel Macron, s’est donc effectivement concrétisée dans plusieurs domaines.
Peut-on dire que les sujets prioritaires pour la Présidence Française du Conseil de l’UE ont abouti ?
Oui, beaucoup d’entre eux ont réussi à aboutir. On peut citer en exemple, en matière commerciale, l’instrument de réciprocité dans l’accès aux marchés publics qui a fait l’objet d’un accord complet le 14 mars 2022 après 10 ans de négociations. L’instrument de réciprocité vise à garantir des conditions de concurrence équitable pour les entreprises européennes au sein des pays tiers. Dans le même esprit, la France a plaidé pour le respect par les produits importés des normes européennes en matière agricole et environnementale.
Y-a-t-il d’autres exemples ?
Oui, on peut aussi citer le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières qui a fait l’objet d’un accord politique le 15 mars 2022. Depuis 2005 et l’instauration du marché carbone sur les industries les plus polluantes, les industries qui produisent sur le sol européen doivent payer un prix du CO2 pour chaque tonne de CO2 émise. Seulement, jusqu’à présent aucun prix du CO2 n’était ajouté aux importations de produits hors-UE provoquant donc une concurrence déloyale avec les industries européennes. C’est désormais révolu.
En matière d’Europe « souveraine » y-a-t-il d’autres exemples ?
Oui, on peut enfin citer l’accord intervenu au Conseil le 17 mars qui a acté la constitution d’une filière européenne de production de batteries, qui renforce la dynamique en faveur de l’économie circulaire, de l’excellence technologique et de la réindustrialisation de l’Union européenne. Toujours dans le domaine technologique, le « Digital Markets Act » a également fait l’objet d’un accord complet le 24 mars : c’est le premier cadre de régulation de ces marchés au monde, qui va permettre de mettre fin aux pratiques déloyales de certaines entreprises numériques qui imposent leurs propres règles. L’objectif c’est donc d’utiliser la législation pour limiter le pouvoir des GAFAM.
Sur quels autres sujets la Présidence Française du Conseil de l’UE a-t-elle permis d’avancer ?
Elle a engagé un débat sur le renforcement des outils en lien avec le respect de l’état de droit, notamment le règlement sur la conditionnalité liée à l’État de droit, désormais en vigueur et qui permet de prendre des mesures contre toute violation dans ce domaine et a un impact sur le budget européen. Une avancée majeure a par ailleurs été obtenue en matière d’égalité entre les femmes et les hommes avec l’approbation par le Conseil le 14 mars de la proposition de directive sur les quotas dans les conseils d’administration des entreprises, des discussions qui étaient bloquées depuis des années.
Quels sont à l’inverse les sujets qui ont eu du ma à se faire une place dans l’agenda européen ?
Emmanuel Macron souhaitait entreprendre une réforme de l’espace Schengen mais le sujet n’a pas connu d’avancée majeure. Le projet porté par Emmanuel Macron de « nouveau modèle de croissance » qui comportait de nombreux volets : environnemental, numérique et social, a également été relégué au second plan. Comme les autres présidences avant elle, la France a toutefois hérité des initiatives de la Commission en la matière, on peut notamment citer : l’accord politique sur un cadre de gouvernance pour des salaires minimaux adéquats dans toute l’UE.
Qui assurera la Présidence du Conseil de l’UE au second semestre ?
Après la France, c’est maintenant au tour de la République tchèque de prendre la relève à la tête du Conseil de l’UE du 1er juillet au 31 décembre 2022.