Ursula von der Leyen a participé le 17 janvier dernier au Forum économique mondial à Davos et elle y a tenu un discours important où elle évoque notamment le besoin de réindustrialiser l’Europe – de manière compatible avec les engagements que l’UE a pris dans le Pacte Vert européen – c’est-à-dire avoir une économie neutre en émissions de CO2 d’ici à 2050.
Comment compte-telle y arriver ?
Il s’agit de créer une série de nouvelles technologies propres dans tous les secteurs de l’économie : dans les transports, les bâtiments, l’industrie manufacturière, l’énergie. Comme le précise Ursula von der Leyen « Les prochaines décennies verront la plus grande transformation industrielle de notre époque – peut-être même la plus grande qui ait jamais eu lieu. Et ceux qui conçoivent et mettent au point les technologies qui seront le fondement de l’économie de demain bénéficieront du plus grand avantage concurrentiel. L’ampleur de l’opportunité que cela représente est une évidence. L’Agence internationale de l’énergie estime que, d’ici à 2030, la valeur du marché des technologies d’énergie propre fabriquées à grande échelle avoisinera les 650 milliards de dollars par an – soit plus du triple d’aujourd’hui. Pour prendre de l’avance dans cette course à la concurrence, nous devons continuer d’investir dans le renforcement de notre base industrielle et rendre l’Europe plus propice aux investissements et à l’innovation ».
Comment cela se traduit ?
Très concrètement, cela se traduit par un nouveau plan industriel pour l’Europe : « Le plan pour faire de l’Europe le foyer des technologies propres et de l’innovation industrielle sur la voie de la neutralité carbone ». Comme le souligne Ursula von der Leyen « Nous devons absolument réaliser cette transition vers la neutralité carbone sans créer de nouvelles dépendances. »
Sur quoi repose ce nouveau plan ?
Celui-ci reposera sur quatre piliers : l’environnement réglementaire, les financements, les compétences et le commerce.
Quel est l’objectif de ce premier piler ?
L’objectif de ce premier pilier est de créer un environnement réglementaire qui permette un déploiement rapide et la création de conditions favorables aux secteurs essentiels à la réalisation de l’objectif «zéro émission». Il s’agit notamment des secteurs de l’énergie éolienne, des pompes à chaleur, de l’énergie solaire, de l’hydrogène propre, ou encore du stockage – dont la demande est stimulée par les plans européens NextGenerationEU et REPowerEU. Pour contribuer à la réalisation de cet objectif, la Commission européenne va proposer un nouveau règlement pour une industrie à zéro émission.
Que contiendra-t-il ?
Ce règlement suivra le même modèle que celui sur les semi-conducteurs. Il fixera des objectifs clairs pour une technologie européenne propre d’ici à 2030. L’objectif consistera à concentrer les investissements sur des projets stratégiques tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Le règlement pour une industrie à zéro émission ira de pair avec le règlement sur les matières premières critiques. Pour les terres rares qui sont indispensables à la fabrication des technologies clés – comme la production d’énergie éolienne, le stockage de l’hydrogène ou les batteries – l’Europe dépend aujourd’hui à 98 % d’un seul pays: la Chine. Il s’agira donc de travailler avec les partenaires commerciaux de l’UE pour coopérer au niveau de l’approvisionnement, de la production et de la transformation afin de mettre un terme au monopole existant.
Que propose-t-elle ?
Elle propose de créer un club des matières premières critiques qui travaillerait avec des partenaires qui partagent les mêmes valeurs – des États-Unis jusqu’à l’Ukraine – pour collectivement renforcer les chaînes d’approvisionnement et les rendre plus diverses et donc s’affranchir des fournisseurs uniques. Voilà donc le premier pilier de ce plan avec un nouveau règlement pour une industrie à zéro émission.
Quels sont les autres piliers de ce plan pour une industrie à zéro émission ?
Le deuxième pilier de ce plan industriel vise à encourager l’investissement dans les technologies propres et le financement de leur production. Pour maintenir l’attractivité de l’industrie européenne, il s’agit d’être compétitifs par rapport aux offres et aux mesures incitatives actuellement disponibles en dehors de l’UE. Ursula von der Leyen propose donc d’adapter temporairement les règles européennes en matière d’aides d’État pour accélérer et simplifier les choses. Elle prévoit aussiune aide ciblée pour les installations de production au sein des chaînes de valeur des technologies propres, pour contrer les risques de délocalisation liés aux subventions accordées en dehors de l’Union.
Comment cela va-t-il fonctionner ?
À court terme, la Commission européenne souhaite mettre en place un fonds de souveraineté européen. Cela permettra d’accroître les ressources disponibles pour la recherche en amont, l’innovation et les projets industriels stratégiques essentiels pour atteindre l’objectif de zéro émission nette.
Quel est le troisième pilier de ce plan ?
Le troisième pilier du plan industriel consiste à développer les compétences nécessaires pour mener à bien la transition. Alors que les nouvelles technologies connaissent une forte croissance, l’Europe a aussi un besoin accru de compétences et de disponibilité de travailleurs qualifiés dans ce secteur. Ce troisième pilier englobe donc la réglementation et le financement de ces compétences.
Enfin, quel est le quatrième pilier de ce plan ?
Le quatrième pilier vise à faciliter un commerce équitable et ouvert et qui profite à tous. Pour atteindre la neutralité carbone à l’échelle mondiale grâce aux technologies propres, il faudra que l’Europe dispose de chaînes d’approvisionnement solides et résilientes. Il lui faut également un programme commercial ambitieux, qui tirera le meilleur parti des accords commerciaux. De la même manière, lorsque le commerce n’est pas équitable, les réactions de l’UE doivent être plus vigoureuses. Lorsqu’on observe la domination de la Chine dans la production mondiale dans des secteurs comme les véhicules électriques ou les panneaux solaires, il faut s’assurer que cette course repose sur des conditions de concurrence équitables. Il s’agit donc pour l’UE de réduire les risques en utilisant tous les outils dont elle dispose pour faire face aux pratiques déloyales – y compris le nouveau règlement relatif aux subventions étrangères.
Crédits photo: Union européenne, 2023.